A seulement 13 ans, Macéo Vanhée-Dedieu a fait une entrée remarquée sur la scène internationale. Au printemps dernier, lors des Championnats d’Europe Jeunes (catégorie 13-16 ans) à Athènes, il a remporté trois médailles : l’or en solo, l’or en figures imposées chez les garçons et l’argent en duo mixte.
Pour beaucoup, ce fut une révélation. Mais pour ceux qui le suivent de plus près, ce n’est pas un hasard. Depuis ses premières compétitions en France dans la catégorie des moins de 12 ans (Avenirs), Macéo montre son potentiel, impressionnant par sa régularité, ses compétences techniques et sa fluidité dans l’eau.
Macéo a certes grandi dans un environnement où la natation artistique faisait partie du décor. Sa mère, Virginie Dedieu, triple championne du monde en solo, a marqué l’histoire du sport. Mais à la maison, elle ne lui a jamais forcé la main.
Le jeune adolescent avance à son propre rythme, poussé par une expression artistique déjà très personnelle et une relation mère-fils unique, tissée dans l’eau. Aujourd’hui, ce lien nourrit un dialogue et un accompagnement créatif en coulisses. Quant à Macéo, il est bien décidé à écrire sa propre histoire.
Sa passion pour la natation artistique est née, tout naturellement, au bord de la piscine. Après avoir vu de nombreux galas de sa mère, il a lui aussi voulu essayer.
« J’ai commencé à sept ans, mais je voulais déjà commencer à cinq ans », se souvient Macéo. « Sauf que mes parents ne voulaient pas au début… »
« Ce n’est pas que nous ne voulions pas », explique Virginie. « Nous voulions être sûrs que c’était son choix et qu’il ne voulait pas juste faire comme sa maman. Nous voulions aussi qu’il soit prêt à affronter les remarques que ce sport peut entraîner pour un garçon. Le fait qu’il soit sûr de lui et de son choix ne pouvait que le renforcer et lui donner confiance. »
Virginie et son mari Jérémie souhaitaient que leurs enfants fassent du sport, non pas pour la compétition, mais pour les valeurs qu’il apporte au quotidien : la persévérance, le partage, l’ouverture d’esprit, l’amitié, l’équilibre. Ils ont encouragé leurs deux fils à explorer différentes activités afin de trouver ce qui leur convenait le mieux.
Si l’aîné a préfèré les sports de balle, l’attirance de Macéo pour les disciplines artistiques s’est vite révélée. Dès qu’il a pu marcher, il a dansé. Même dans l’eau, il bougeait déjà dans tous les sens, « comme moi, en fait », se souvient Virginie en souriant.

Il prend des cours de gymnastique, de danse et même de musique, mais la natation artistique reste son premier choix. Finalement, après deux ans de mûre réflexion, le feu vert lui est donné.
« Contrairement à beaucoup de mes amies mamans qui refusaient que leurs filles fassent de la natation synchronisée, cela ne me dérangeait pas », explique Virginie. « Je voulais juste qu’il trouve son sport, là où il se sentirait le mieux. »
« La synchro m’a permis de m’épanouir, alors je ne vois pas pourquoi, si mes enfants aiment ça, ce ne serait pas la même chose pour eux. C’est vrai qu’après la naissance de mes deux garçons, tout le monde m’a dit : « C’est bien, comme ça ils ne feront pas de synchro » ! Je n’ai pas vraiment pensé ça. Mais c’est vrai que je n’ai jamais imaginé que l’un d’entre eux choisirait ce sport, d’autant que ce n’était vraiment pas courant pour des garçons ! »
Néanmoins, dès son plus jeune âge, Macéo a vu des garçons pratiquer la natation artistique. Il n’avait que quatre ans lorsque Virginie a repris l’entraînement pour les Championnats du Monde en 2015. L’épreuve du duo mixte venait d’être ajoutée au programme, et elle se préparait à représenter à nouveau la France aux côtés de Benoît Beaufils.
Membre du club Pays d’Aix Natation, Macéo progresse d’année en année, avec ses propres idées, ses propres aspirations et une forte curiosité artistique. Véritable passionné, il regarde beaucoup de vidéos, fait des essais dans l’eau, propose des options et pose beaucoup de questions.
« Ce que j’aime, c’est l’artistique, la création, le choix de la musique », explique-t-il. « Par exemple, je ne peux pas nager sur une musique que je n’aime pas, sinon je n’apprécie pas mon ballet. »
Après tout, il a un peu ça dans le sang : Musicalité, fluidité, présence dans l’eau, belles lignes de jambes… Des qualités que l’on remarque immédiatement et qui ne sont pas sans rappeler celles de Virginie.
Son solo préféré de sa mère ? Celui des Championnats du Monde de 2005 à Montréal, sur « It’s Oh So Quiet » de Björk. Il l’a regardé plusieurs fois, en cachette. D’ailleurs, Virginie n’en savait rien et ne l’a appris que récemment.
Mais Macéo ne se limite pas à son héritage maternel. Il s’inspire également d’Andrea Fuentes, d’Ona Carbonell, d’Aleksandr Maltsev, ou même du ballet acrobatique Olympique de l’équipe américaine et des vidéos d’improvisation à l’entraînement que la nageuse américaine Anita Alvarez publie sur ses réseaux sociaux.
Pendant que sa mère commente à la télévision les épreuves de la Coupe du Monde en France, il est assis à côté, regardant les échauffements, filmant les ballets durant la compétition et tout ce que l’élite mondiale a à offrir à ce moment-là.
Son épreuve préférée est le duo mixte, plutôt que le solo ou l’équipe, même s’il admet aimer les portés et la voltige.
D’ailleurs, dès le début, Virginie a été sollicitée pour chorégraphier ses solos et ses duos mixtes. Travailler avec son fils est une équation délicate, mais qui fonctionne, alliant l’exigence du coach, la bienveillance de la mère et la créativité de l’artiste.
« Je l’entraîne un peu malgré moi », explique-t-elle. « Je ne suis pas son entraîneur de club, loin de là. Je ne travaille pas avec lui tous les jours, mais j’ai effectivement fait toutes ses chorégraphies jusqu’à présent. Enfin, avec lui bien sûr, car en effet il a beaucoup d’idées (rires) ! Donc, naturellement, lorsque nous montons la chorégraphie, je vais aussi lui donner quelques conseils et corrections techniques. Quand il était plus jeune, je lui ai très vite appris différents types de mouvements, des choses qu’il ne savait pas encore forcément faire. Il a tout compris très vite aussi ».
Depuis plusieurs années, Macéo et Virginie partagent également la piscine lors de galas pour leur club ou lors de plus grandes compétitions. Leur première expérience commune dans l’eau sur la scène internationale remonte à la Coupe du Monde 2020 à Paris.
Macéo n’avait que huit ans et à peine plus d’une année de natation artistique à son actif. Malgré cela, ils ont mis au point un petit programme, avec une longue danse sur la plage, une figure courte dans l’eau, ainsi que quelques portés et transitions. Ce premier duo, simple et plein de tendresse, était déjà un succès.
Au fil des saisons, leur collaboration est devenue un véritable dialogue artistique. Aujourd’hui, lorsque fils et mère partagent la piscine, c’est comme si deux artistes se répondaient, chacun avec sa propre voix.
« Ce que j’aime vraiment, c’est la création et les recherches que nous faisons ensemble en amont », explique Virginie. « Surtout maintenant qu’il est plus âgé, il suggère beaucoup de choses. On regarde des trucs, on teste dans l’eau, on s’écoute. Quand on nage, on est hyper concentrés parce qu’on veut bien faire, donc c’est vraiment ces moments de collaboration en amont que j’apprécie le plus. C’est génial de partager ça avec lui, surtout que je sais que bientôt, j’aurai probablement moins d’occasions de le faire ! »
Alors que la carrière internationale de Virginie est terminée depuis 10 ans, celle de Macéo ne fait que commencer. Les Championnats d’Europe Jeunes de 2024 à Athènes ont été sa première expérience en équipe de France. Mais à la veille du départ, tout a failli s’arrêter.
Lors d’un dernier entraînement à Paris, Macéo tombe sur la plage du ballet d’équipe et est diagnostiqué avec une fracture du coccyx.
« Je suis tombé le matin et l’après-midi, on m’a dit : tu ne peux pas y aller, c’est trop dangereux de prendre l’avion, ça pourrait te faire très mal et tout aggraver », se souvient-il. « J’ai beaucoup pleuré. Je pensais à cette compétition depuis le début de l’année. J’avais l’impression que tout ce que j’avais fait n’avait servi à rien… »
D’autant que le diagnostic ne semble pas si unanime que ça. A Aix-en-Provence, ses parents cherchent un second avis, mais le départ pour Athènes est imminent. Finalement, après plusieurs appels, contre-diagnostics et conseils, le scénario catastrophe est écarté et Macéo est autorisé à embarquer.
Sur place, les jours passent et son état s’améliore. Le médecin de la compétition confirme qu’il peut nager, mais seulement en solo, duo mixte et figures imposées.
« J’étais trop content », se souvient-il. « Du coup, je n’étais pas trop stressé pendant la compétition. Je me suis dit que c’était déjà un miracle d’être là, et qu’à partir de là, c’était que du bonus ! »
Le « bonus », ce sera un triplé de médailles, ainsi qu’une en tant que remplaçant du ballet combiné, et une entrée remarquée sur la scène européenne.
« Je ne me souviens plus très bien de ce que j’ai ressenti lorsque j’ai entendu la Marseillaise pour la première fois », dit-il en riant. « Je ne suis pas très sensible, donc je n’ai pas pleuré. Je pense que j’étais très heureux et fier. Et surtout soulagé. Soulagé d’avoir pu y aller, parce que c’était pas gagné ! »
Pour Virginie, ces championnats étaient aussi particuliers car, pour la première fois, elle n’était pas sur le bord du bassin avec son fils.
Jusqu’alors, elle l’avait suivi dans un rôle d’entraîneur : concentrée, active et l’accompagnant jusqu’au dernier moment. Mais cette fois, entre la blessure, l’incertitude des voyages et le fait d’être seule dans les tribunes sans le reste de sa famille, tout a pris une autre dimension.
« À la fin de son solo, je me suis effondrée, c’était la première fois », a-t-elle raconté. « On n’avait même pas encore les résultats définitifs, mais je pense que c’était un tout. On venait de passer une semaine compliquée à essayer de savoir s’il avait eu un bon diagnostic, s’il pouvait faire la compétition, s’il pouvait même juste partir… Et puis, voilà, il avait bien nagé, donc forcément, c’était un immense soulagement.»
Pendant que ses concurrents nageaient, Macéo a retrouvé sa mère dans les gradins. Ils ont appris ensemble que Macéo venait de devenir le nouveau Champion d’Europe.
« En plus, avant la compétition, je lui ai dit de ne s’attendre à rien », raconte Virginie. « C’était sa première année en équipe de France. On ne connaissait pas les autres, tout comme on ne le connaissait pas lui. Alors je lui ai dit de faire de son mieux et de ne rien attendre en retour. Alors, évidemment, quand ces résultats tombent, on se dit qu’il y a encore de belles choses à faire. »

Après une saison 2024 bien remplie, Macéo vise désormais la COMEN Cup et les Championnats du Monde Jeunes, tout en continuant à jongler avec plus de 22 heures d’entraînement par semaine et sa scolarité au collège.
Ses objectifs sont clairs : « Gagner des médailles ». Et au-delà, il rêve d’intégrer l’INSEP à Paris, des Jeux Olympiques et de tout ce que le sport de haut niveau a à offrir.
Pour Virginie, le plus important est ailleurs : « Je lui souhaite avant tout de prendre du plaisir et qu’il s’épanouisse. Je pense que Macéo est un artiste, alors j’espère qu’il ira loin dans la création, qu’il pourra s’exprimer autant qu’il le souhaite et qu’il atteindra son plein potentiel. Si les Jeux sont au bout, tant mieux. Mais je souhaite que ce sport lui apporte bien plus que ça. »
Au final, ce que Virginie et Macéo partagent va bien au-delà des bassins et du podium. Que le parcours de Macéo mène à d’autres médailles ou non, l’essentiel est déjà là : la joie de créer, la confiance nécessaire pour s’exprimer, l’espace pour grandir et la liberté de se définir selon ses propres critères. Peu importe la suite, il avance déjà dans la bonne direction.
ARTICLE BY CHRISTINA MARMET
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